L’avis de Carine sur Nos jeux Clairs-Obscurs – partie 1, un roman de Anna Triss chez Black Ink Editions

✧˚₊‧୭⁺‿︵ Nos jeux clairs-obscurs ‿︵⁺୭‧₊˚✧

Partie 1/2
Auteur : Anna Triss

Genre : Dark Romance

Editions : Black Ink Editions

Ebook : 4.99 €

✧˚₊‧୭⁺‿︵ Résumé : ‿︵⁺୭‧₊˚✧

DARK ROMANCE

« Ars longa, vita brevis. »
« L’art est long, la vie est courte. »


Rachel a été contrainte d’abandonner ses rêves d’artiste bohème sous la pression de son mari. Par défaut, elle est devenue professeure à l’École des beaux-arts d’Annecy. Elle s’est emmurée dans une vie fade, régie par les angoisses qui parasitent son inspiration. De plus, son couple bat de l’aile.
Dès que son regard croise les astres bleu glacier de Sandro, l’un de ses nouveaux étudiants, Rachel éprouve envers ce sulfureux jeune homme une étrange fascination qui l’oriente vers de sombres chemins.
Elle découvre que le bel artiste maudit a deux frères jumeaux. Quelque chose de bien plus puissant que les liens du sang semble unir les triplés. En effet, ils se livrent parfois à des divertissements malsains.
Peu à peu, l’attirance de Rachel envers son élève surdoué vire à l’obsession. Les secrets torturés de son étudiant paraissent le ronger de l’intérieur. Perdu entre clarté et obscurité, Sandro évolue constamment sur le fil du rasoir.
Son enseignante espère percer ses ombres pour lui apporter de la lumière malgré les jeux tordus dans lesquels il cherche à l’entraîner.
Car cet électron libre, qui exsude une sensualité à la fois écorchée et sauvage, pourrait lui redonner le goût de vivre… ou au contraire, la mener à sa perte.
La folie de l’artiste brûlera-t-elle jusqu’à détruire sa muse ?


✧˚₊‧୭⁺‿︵ Mon avis : ‿︵⁺୭‧₊˚✧

Avec nos jeux : clair-obscurs, Anna Triss nous plonge dans une romance sombre, avec des personnages très torturés, sur un fond artistique que j’ai énormément apprécié. Sa culture de l’art est un régal, ses nombreuses références aux œuvres sont toutes bien trouvées. J’en connaissais certaines, d’autres sont venues approfondir ma propre culture. Mais toutes ont une pertinence à chaque chapitre qui ont fait que je suis allée en rechercher sur le net les symboliques. Un magnifique mariage de l’art et de la littérature. Que vous ayez l’âme d’un artiste ou pas, ce roman est un vivier de références qui ne pourra qu’attiser votre lecture. Et en parlant d’attiser, la plus belle des œuvres est déjà la cover ! Mais qui pourrait résister à un tel regard ? Pas moi ! Et encore moins Rachel Dumas, professeure du beau Sandro.

« Je ferai de toi ma muse et mon œuvre d’art. Ton corps nu incarnera la toile vierge de mes désirs... »

Sandro est un jeune artiste beau à se damner et sexy en diable. Il possède une culture artistique très riche et son don exceptionnel lui a ouvert les portes de la prestigieuse école des beaux-arts. En cette rentrée, il va tomber sous le charme de sa professeure. Il voit en elle sa muse, sa Vénus. Qu’importe qu’elle soit plus âgée que lui. Qu’importe qu’elle soit mariée. Tout ce qu’il souhaite, c’est la posséder et elle ne peut pas lui dire non. C’est inconcevable. Lunatique, imprévisible et impulsif, Sandro peut se montrer très coléreux lorsqu’il se sent incompris. Il ne sait pas exprimer ce qu’il ressent dans la conformité de l’être humain C’est un artiste, un vrai. Avec toute la folie qui le caractérise et son euphorie dangereuse.

Rachel est professeure d’expression plastique et pratique artistique. Avant, elle était une vraie passionnée et peignait, dessinait chaque jour. Aujourd’hui, il ne lui reste que l’enseignement pour se sortir de sa routine et encore, cela la stresse énormément de reprendre son poste. Plongée dans un mal-être, elle se sent une étrangère dans son propre corps. Elle tolère difficilement le regard des autres et particulièrement les hommes. Prise de crises d’angoisse, elle essaye de se fondre dans la masse et passer inaperçue le plus possible. Mais lorsqu’elle va sentir le regard de Sandro posé sur elle, c’est le feu qui va renaitre dans son corps et son âme, ce qui lui fera perdre tous ses repères. Cependant, elle fera tout pour ne pas succomber à son étudiant. Il lui fait peur. Une peur différente que celle qu’elle connait. Elle a peur de tout ce qu’il génère en elle, de ce qu’il lui fait ressentir sans même la toucher. Peur du clair-obscur qu’il incarne… Peur de jouer à ses jeux et que ses nuances se mêlent aux siennes. Sandro est sûr de pouvoir faire un chef-d’œuvre de leur histoire. Une histoire qui va vaciller constamment entre ombre et lumière… Et tel un artiste qui trouve son inspiration, il ne la lâchera pas avant d’avoir donné le coup de pinceau qui sera la perfection d’un corps à corps avec sa muse…

À deux, ils vont mélanger chacune de leurs couleurs. Emportés dans leurs jeux : Clair-obscurs…

Mais qui sera le maître du jeu ?

Anna Triss invente là, la peinture du genre, un tableau de la romance. L’œuvre d’art d’une passion que vont peindre nos héros en esquissant leur histoire. Une toile usant d’un savant contraste entre l’ombre et la lumière dont chaque chapitre est un nouveau coup de pinceau dont les couleurs se battent dans un clair-obscur des plus fascinants… Elle nous offre une toile de fond sombre avec une expression de violence brutale à la recherche des émotions dans une opposition de clarté lumineuse. Mais comme toute passion est un art. Tout art est indissociable de la folie… Et de folie, ce roman d’en manque pas ! Si j’ai mis un peu de temps à entrer dans le récit par trop de descriptions qui ont freiné mon attachement aux personnages, je dois avouer que lorsque cela démarre, on ne peut plus s’arrêter. Et paradoxalement, au plus on avance, au plus on repense à ces premiers chapitres pour trouver des indices sur les suspicions qui viennent se greffer à la lecture. Connaissant les lieux, j’ai aussi pris un grand plaisir à visualiser les endroits que l’auteure décrit parfaitement. Alors justement, connaissant très bien la ville, peut être que ces descriptions ont alourdi ma lecture puisque je n’avais pas besoin qu’elles en justifient autant son histoire. Mais pour un lecteur qui ne connait pas, là encore, Anna Triss offre un beau moment de culture.

Avec le récit de Rachel et Sandro, elle tisse patiemment son histoire telle une araignée qui tisse sa toile pour prendre au piège qui viendrait s’y frotter. Elle nous livre une romance sombre aux émotions contradictoires et exacerbées par des personnages qu’on ne sait pas s’il faut les aimer ou les détester. J’ai aimé Sandro comme j’ai détesté son attitude. Attitude qui paradoxalement nous fait aussi craquer pour lui. Sa dominance transperce les pages et vient nous alpaguer, nous aussi, prêtes à nous soumettre. Son langage, son assurance, son arrogance et sa sexytude nous flambent en une micro seconde. On ne peut que comprendre Rachel la pauvre, on se damnerait pour cette gueule d’ange à la perversité des démons. J’ai été touchée par cette femme. On ressent beaucoup d’empathie pour Rachel qui vit aux côtés d’un pervers narcissique et qui a fini par s’oublier tout comme elle en a oublié ses rêves. On ressent aussi que ce n’est pas la seule chose qui la rend si fragile. On se doute, mais l’auteure aime jouer avec nous et laisse la porte bien fermée. Ce n’est pas encore le bon moment. Et en attendant, ce qu’elle donne, c’est de la passion, de la perversité, de la folie, de l’attirance obsessionnelle qui rend vivant ! Qui rend hommage à la beauté telle qu’on la voit de nos propres yeux et à la beauté des plaisirs charnels. Hommage à l’art et à la folie des artistes. Mais aussi s’égarer pour se retrouver, se reconstruire, ressentir et laisser libre sa liberté. Le tout en semant des indices qui vont nous mener sur une fin de tome qui ne m’a pas totalement surprise, mais qui va rajouter une nouvelle couleur à la palette des émotions de ce tableau sombre.

Une romance passionnelle et torturée qui nous bouscule de bien des manières. La trame est ingénieuse, pertinente, immersive, intrigante et très originale. Le choix des lieux, de l’univers, des personnages, que ce soit les principaux tout comme les secondaires, tout est vraiment bien trouvé. Ils sont tous brillamment complexes et bien creusés. Ils sont imaginés de manière à nous montrer des comportements négatifs et sombres, engendrant et véhiculant des comportements nocifs et malsains et leurs répercussions. La plume de l’auteure est très attractive et elle crée à la perfection le paradoxe grandissant entre le côté sombre et cette empathie qu’on peut ressentir, tout comme cette tension sensuelle qui montre crescendo. Une tension qui ne nous laisse pas de marbre avec des mots qui claquent, qui percutent directement la libido et des scènes à se damner pour les vivres à notre tour.

Un romance « pas encore dark » pour ma part, mais une belle ébauche. Surement dans le second tome que j’attends avec impatience et lorsque je vois que le premier est nommé : clarté je me prépare déjà à plonger dans les abysses de l’obscurité. Tout est en place pour… Anna Triss en a dessiné tous les contours, il ne reste plus qu’à les remplir. Mais aura-t-elle la folie des artistes ? Tout comme Sandro qui entretient des liens fous avec son art, que va nous peindre Anna Triss pour clôturer son œuvre ?

Un grand merci aux Editions Black Ink pour m’avoir permis de découvrir cette lecture sombre en service presse numérique.

✧˚₊‧୭⁺‿︵ Extrait : ‿︵⁺୭‧₊˚✧

Dame Nature est la plus talentueuse des artistes. L’extérieur incarne un musée infini, éternel, composé de milliards de toiles qui se renouvellent plusieurs fois par jour. La signature de cette insaisissable peintresse est inégalable. Nous, humains faussaires, ne pouvons que l’imiter avec nos modestes outils archaïques. Toutefois, les copies les plus réussies ne seront jamais aussi fidèles que les originales.

Le cannabis avive mon esprit créatif. Dans le ciel, je discerne la forme d’un artiste en train d’enlacer et d’embrasser une femme semblable à une sculpture. Une reconstitution nuageuse du tableau de Pygmalion et Galatée, de Gérôme ? Je ne suis pas fan de son style, trop académique pour moi, mais j’encense sa technique.

Ce mythe grec, que j’ai découvert au collège dans un manuel, m’a singulièrement marqué. Pygmalion est un jeune sculpteur qui revendique son célibat. Un jour, il façonne une statue de femme en ivoire dont il tombe éperdument amoureux. Son œuvre est si belle et réaliste qu’elle semble vivante, d’où sa confusion. Cette passion à sens unique est synonyme d’un désespoir abyssal. La déesse de l’amour Aphrodite – ou Vénus, dans la version romaine – touchée par son chagrin, s’en mêle et décide de donner vie à la sculpture. Ainsi, l’artiste Pygmalion et son œuvre Galatée peuvent filer le parfait amour grâce à leur bienfaitrice divine.

Je souris en imaginant ce que certaines de mes créations donneraient si elles prenaient vie sur Terre. Des bêtes difformes dévoreraient les passants. Des couleurs psychédéliques éclabousseraient les nuées chaotiques. Des jeunes femmes nues d’une beauté édénique hypnotiseraient les hommes pour les mener à leur perte après s’être accouplées avec eux, telles des mantes religieuses.

Ce serait tripant, non ?

La nuit paisible éparpille ses ombres dégradées sur le lac. Je traîne, drapé dans ma confortable torpeur. Je me sens maître de l’espace nocturne qui m’environne comme un ensemble iconographique. Les autres ne sont que des éléments anecdotiques du décor que je me suis approprié, des figurants anonymes qui traversent mon tableau grandeur nature. Mon œil paresseux vagabonde sur les constellations qui me surplombent. Je m’amuse à relier les étoiles scintillantes avec le bout de mon doigt afin de créer des motifs arachnéens. Je fais abstraction de mon estomac qui crie famine, de mon dos courbatu et de ma vessie distendue.

Après avoir pissé au bord de l’eau, je rentre à l’appart sur les coups de 22 heures.

Avant de franchir le seuil de la piaule pourrie et mal isolée qu’on partage depuis des années, je sais déjà que mes deux frangins vont me bombarder de questions et me gaver. Et ça ne manque pas… La porte est à peine refermée que la voix bourrue de Raph s’élève dans la cuisine :

— Putain, mais t’étais où, petit couillon ?

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